Enseignement commun dispensé dans toutes les classes terminales et sanctionné, à l’examen du baccalauréat, par une épreuve terminale écrite, l’enseignement de la philosophie a pour but de former le jugement critique des élèves et de les instruire par l’acquisition d’une culture philosophique initiale. Ces deux objectifs sont étroitement liés : le jugement s’exerce avec discernement quand il s’appuie sur des connaissances maîtrisées ; une culture philosophique initiale est nécessaire pour poser, formuler et tenter de résoudre des problèmes philosophiques.
Indissociable de la lecture de textes et d’œuvres appartenant à la philosophie, l’enseignement de la philosophie ne vise pourtant pas la connaissance des doctrines philosophiques ni celle de l’histoire des systèmes philosophiques. Il exclut la visée encyclopédique et la recherche de l’exhaustivité : il ne s’agit ni de parcourir toutes les étapes de la construction historique de la philosophie ni d’envisager tous les problèmes philosophiques que l’on peut légitimement poser.
Ouvert aux acquis des autres disciplines et aux multiples liens qu’il peut nouer avec elles, l’enseignement de la philosophie vise à développer chez les élèves le souci de l’interrogation et de la vérité, l’aptitude à l’analyse et l’autonomie de la pensée sans lesquels ils ne sauraient appréhender la complexité du réel. Son but est de permettre à chaque élève de s’orienter dans les problèmes majeurs de l’existence et de la pensée.
Le professeur, responsable de la conception et de la conduite de son cours, suscite et accompagne la réflexion des élèves qui apprennent progressivement à faire usage de la culture philosophique qu’ils acquièrent pour traiter les questions abordées. Il se réfère à des objets décrits avec précision et, conjointement à l’étude qu’il propose des textes et des œuvres, il élabore avec ses élèves des questions et problèmes, et envisage avec eux leur solution possible. Il procède par l’analyse de notions et la délimitation de concepts, permettant ainsi à ses élèves de mettre en œuvre des raisonnements et de formuler des objections. Ces moments de l’enseignement sont toujours ordonnés aux questions examinées et ne font pas l’objet d’un traitement séparé.
Prenant appui sur les savoirs et savoir-faire acquis au cours de sa scolarité, l’élève apprend à analyser des notions, à les interroger, à les distinguer les unes des autres, à les articuler de manière pertinente. Il s’exerce à exposer clairement ses idées, à l’oral comme à l’écrit, à les formuler avec précision et exactitude. Il s’applique à les soumettre au doute, à examiner les objections, à y répondre sur la base de justifications raisonnées.
Dans les travaux qui lui sont demandés, l’élève :
- examine ses idées et ses connaissances pour en éprouver le bien-fondé ;
- circonscrit les questions qui requièrent une réflexion préalable pour recevoir une réponse ;
- confronte différents points de vue sur un problème avant d’y apporter une solution appropriée ;
- justifie ce qu’il affirme et ce qu’il nie en formulant des propositions construites et des arguments instruits ;
- mobilise de manière opportune les connaissances qu’il acquiert par la lecture et l’étude des textes et des œuvres philosophiques.
L’enseignement de la philosophie dans les classes terminales s’adresse à tous les élèves, quels que soient leur parcours et les études auxquelles ils se destinent. Son programme ne restreint pas l’étude à tel domaine spécialisé et n’impose pas aux professeurs et aux élèves des problèmes prédéfinis. Il doit cependant fixer les conditions conciliant une liberté sans laquelle aucune philosophie ni aucun enseignement de la philosophie ne sont possibles, et les exigences d’un examen national assurant une évaluation équitable des efforts des élèves et de leurs acquis.
Le programme de l’enseignement de la philosophie dans les classes terminales reprend le principe qui constitue la norme constante et reconnue de la discipline : c’est un programme de notions auxquelles s’adjoint une liste d’auteurs. L’approche des notions et des auteurs est ordonnée à des perspectives.
Trois perspectives sont retenues :
- L’existence humaine et la culture
- La morale et la politique
- La connaissance
Ces trois perspectives orientent vers des problèmes constamment présents dans la tradition philosophique, qu’un enseignement initial de la philosophie ne saurait ignorer. Elles ont une triple fonction :
- elles déterminent et donc limitent les sujets qui peuvent être donnés au baccalauréat, parce qu’ils engagent directement les problèmes fondamentaux qu’elles ouvrent ;
- elles déterminent et donc limitent la liste des notions qu’il convient de retenir pour que ces perspectives soient effectivement éclairées par leur étude et par l’examen des problèmes qu’elles soulèvent ;
- elles invitent les professeurs à les prendre en compte dans l’étude des notions et des œuvres, sans contraindre leur liberté pédagogique.
Ces perspectives ne s’ajoutent donc pas aux notions : elles définissent le cadre dans lequel elles peuvent donner lieu à des sujets de baccalauréat et orientent ainsi, sans le contraindre, le traitement des notions par les professeurs et leurs élèves. Elles excluent toute répartition prédéfinie des notions. Ainsi, à simple titre d’exemple, la notion de vérité peut être abordée dans une réflexion sur la connaissance, mais tout aussi bien dans une perspective pratique ; l’art ou la technique peuvent donner lieu à une réflexion morale, à une interrogation sur le type de connaissance qu’ils procurent mais aussi sur leur place dans l’existence humaine et la culture. Les notions retenues le sont précisément parce qu’on ne saurait réduire d’avance leur examen à une dimension unique de l’expérience humaine.
Le nombre et le choix des notions sont nécessairement liés aux conditions de l’enseignement de la philosophie dans les classes terminales. La cohérence et l’homogénéité de notions choisies en nombre adapté à l’horaire qui lui est dévolu assurent la limitation du programme. Elles permettent d’explorer les trois perspectives retenues, en étudiant les notions dans les relations essentielles qu’elles entretiennent entre elles et, ainsi, de conduire avec les élèves une authentique réflexion philosophique qui les prépare directement aux exercices qui leur seront proposés à l’examen.
Les notions retenues ne font donc l’objet d’aucune association privilégiée. Elles ne sont pas articulées à des champs de problèmes qui seraient prédéfinis ni n’appartiennent à des domaines qui indiqueraient soit une exclusivité soit une priorité de traitement. Le programme veille ainsi à n’imprimer aucune orientation doctrinale particulière ni aucune limitation arbitraire de leur traitement philosophique.
Le programme propose à l’étude sept notions :
L’art | La justice | La liberté | La nature |
La religion | La technique | La vérité |
La présentation des notions doit être rapportée et subordonnée aux explications et aux orientations qui lui donnent sens et que ce programme énonce explicitement. Elle ne se réduit pas à une liste d’objets d’étude distincts et invite donc à ne pas traiter chaque notion comme un chapitre séparé des autres, sans toutefois imposer à l’avance au professeur une démarche philosophique dont il est seul responsable. Le programme garantit ainsi la liberté pédagogique du professeur de philosophie.
Les notions n’indiquent pas des parcours qui seraient déterminés à l’avance, pas davantage un ordre correspondant aux chapitres successifs d’un cours, qui relève de la responsabilité du professeur. Leur détermination et leur mise en relation dépendent des questions et problèmes travaillés, ainsi que des itinéraires réflexifs proposés par le professeur. Il faut et il suffit que, durant l’année scolaire, elles soient toutes examinées dans leurs dimensions essentielles.
Communément partagées, ces notions font l’objet d’une élaboration conceptuelle mettant en évidence les problèmes que soulèvent leur définition et leur articulation entre elles. Le professeur veille toujours à souligner la complémentarité des approches dont une même notion a fait l’objet en des moments distincts de son enseignement.
Si ce programme de notions veille à n’imprimer aucune orientation doctrinale particulière ni aucune limitation arbitraire du traitement philosophique des notions, il détermine et limite cependant les sujets qu’il est possible de proposer à l’examen du baccalauréat.
L’étude d’œuvres de philosophes est inséparable de l’examen des notions. Au-delà de la culture qu’elle dispense, elle forme la matière même de l’enseignement de la philosophie. En accédant directement à la manière singulière dont un auteur formule un problème et en examine les différents aspects, l’élève nourrit sa réflexion pour envisager, selon une perspective plus large et plus profonde, les questions qui lui sont posées et les textes qu’il lui faut expliquer.
La liste des auteurs est organisée selon trois périodes : l’Antiquité et le Moyen Âge, la période moderne, la période contemporaine. Cette liste n’interdit pas au professeur, dans la conduite de son cours, de faire appel à d’autres auteurs. Elle l’oblige toutefois à choisir parmi les œuvres des auteurs mentionnés celle qui peut faire l’objet en classe d’une étude suivie.
En classe terminale technologique, une telle étude n’est pas obligatoire. L’étude de textes d’une ampleur suffisante est néanmoins requise. Elle accompagne le développement du cours selon des modalités que le professeur détermine à partir des besoins de ses élèves. Il convient que le choix des textes soit propre à en favoriser la compréhension par tous les élèves.
Les présocratiques ; Platon ; Aristote ; Zhuangzi ; Épicure ; Cicéron ; Lucrèce ; Sénèque ; Épictète ; Marc Aurèle ; Nāgārjuna ; Sextus Empiricus ; Plotin ; Augustin ; Avicenne ; Anselme ; Averroès ; Maïmonide ; Thomas d’Aquin ; Guillaume d’Occam. N. Machiavel ; M. Montaigne (de) ; F. Bacon ; T. Hobbes ; R. Descartes ; B. Pascal ; J. Locke ; B. Spinoza ; N. Malebranche ; G. W. Leibniz ; G. Vico ; G. Berkeley ; Montesquieu ; D. Hume ; J.‑J. Rousseau ; D. Diderot ; E. Condillac (de) ; A. Smith ; E. Kant ; J. Bentham. G.W.H. Hegel ; A. Schopenhauer ; A. Comte ; A.‑A. Cournot ; L. Feuerbach ; A. Tocqueville (de) ; J.‑S. Mill ; S. Kierkegaard ; K. Marx ; F. Engels ; W. James ; F. Nietzsche ; S. Freud ; E. Durkheim ; H. Bergson ; E. Husserl ; M. Weber ; Alain ; M. Mauss ; B. Russell ; K. Jaspers ; G. Bachelard ; M. Heidegger ; L. Wittgenstein ; W. Benjamin ; K. Popper ; V. Jankélévitch ; H. Jonas ; R. Aron ; J.‑P. Sartre ; H. Arendt ; E. Levinas ; S. de Beauvoir ; C. Lévi‑Strauss ; M. Merleau‑Ponty ; S. Weil ; J. Hersch ; P. Ricœur ; E. Anscombe ; I. Murdoch ; J. Rawls ; G. Simondon ; M. Foucault ; H. Putnam. |
L’examen des notions et l’étude des œuvres sont précisés et enrichis par des repères que le professeur sollicite dans la conduite de son enseignement. Explicitement formulés afin que les élèves se les approprient, les repères ne font en aucun cas l’objet d’un enseignement séparé ni ne constituent des parties de cours.
Les repères prennent la forme de distinctions lexicales et conceptuelles qui, bien comprises, soutiennent la réflexion que l’élève construit pour traiter un problème. Leur caractère opératoire et leur usage ajusté à des situations déterminées d’étude et d’analyse interdisent de les réduire à des définitions figées.
Les repères les plus fréquemment sollicités et les plus formateurs sont indiqués ci-dessous par ordre alphabétique.
Absolu/relatif – Abstrait/concret – En acte/en puissance – Analyse/synthèse – Concept/image/métaphore – Contingent/nécessaire – Croire/savoir – Essentiel/accidentel – Exemple/preuve – Expliquer/comprendre – En fait/en droit – Formel/matériel – Genre/espèce/individu – Hypothèse/conséquence/conclusion – Idéal/réel – Identité/égalité/différence – Impossible/possible – Intuitif/discursif – Légal/légitime – Médiat/immédiat – Objectif/subjectif/intersubjectif – Obligation/contrainte – Origine/fondement – Persuader/convaincre – Principe/cause/fin – Public/privé – Ressemblance/analogie – Théorie/pratique – Transcendant/immanent – Universel/général/particulier/singulier – Vrai/probable/certain. |
Le programme n’établit pas la liste exhaustive des exercices permettant aux élèves de maîtriser les contenus enseignés et de faire par eux-mêmes l’apprentissage de la réflexion philosophique. Il revient au professeur de leur proposer les exercices les mieux adaptés à leur formation comme à leurs progrès et d’utiliser dans la conduite de son cours diverses démarches philosophiques. Ce faisant, le professeur fournit des exemples du traitement des questions par les philosophes, que les élèves sont invités à s’approprier afin de progresser dans la construction et l’expression de leur pensée.
Les apprentissages reposent toutefois sur deux formes majeures de composition : l’explication de texte et la dissertation.
L’explication de texte s’attache à dégager les enjeux philosophiques et la démarche propre d’un passage extrait de l’œuvre d’un des auteurs du programme. En se rendant attentif à la lettre de ce passage, l’élève explicite le problème posé ainsi que le rôle et le sens des propositions présentes et des concepts à l’œuvre dans le texte. Ce faisant, il en dégage l’organisation raisonnée, en s’attachant tant à son unité de sens qu’aux moments différenciés de l’argumentation.
La dissertation est l’étude méthodique et progressive d’un problème que l’analyse d’une question permet de construire. L’élève travaille à sa formulation explicite. Il développe, en vue de l’élaboration d’une réponse fondée à la question posée, une réflexion étayée par des analyses conceptuelles, des références et des exemples pertinents. Il met en œuvre une pensée propre, déployée en un discours continu dont il prend la pleine responsabilité.
Explication de texte et dissertation sont deux exercices complets qui reposent sur le respect d’exigences intellectuelles élémentaires : exprimer ses idées de manière simple et nuancée, faire un usage pertinent et justifié des termes qui ne sont pas couramment usités, indiquer les sens d’un mot et préciser celui que l’on retient pour construire un raisonnement, etc. Cependant, composer une explication de texte ou une dissertation ne consiste pas à se soumettre à des règles purement formelles. Il s’agit avant tout de développer un travail philosophique personnel et instruit des connaissances acquises par l’étude des notions et des œuvres.
Les divers travaux accomplis par les élèves permettent au professeur de vérifier qu’ils se sont appropriés de façon précise, rigoureuse et raisonnée les problèmes, les concepts et les exemples étudiés en cours.